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Crise financière, sauvetages bancaires et inégalités

Crise financière, sauvetages bancaires et inégalités Posted on 20 février 2020
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Le système financier est en soi un moteur de l’accélération de ces inégalités. La crise financière de 2008, les sauvetages bancaires, puis le choix politique de l’austérité, ont eu pour conséquence un accroissement encore plus grand et plus rapide des inégalités. Quelques explications.

En se détournant de leurs fonctions essentielles et en développant des activités sur les marchés financiers – activités toujours plus risquées et plus déconnectées des besoins de la société – les banques ont déclenché la crise financière de 2007-2008, la plus grave depuis la crise de 1929. Dans de nombreuses régions du monde, notamment en Europe, les États sont venus au secours des banques : il s’agissait d’éviter une interruption possiblement désastreuse des activités des banques qui sont essentielles au fonctionnement de l’économie. Autrement dit, il s’agissait d’éviter que les comptes ne soient bloqués et que les ménages, les entreprises et les collectivités ne soient privées de leurs moyens de paiement, de l’accès à leurs comptes bancaires.

Étant donné les pertes engendrées par les banques au moment de la crise, le montant de ces sauvetages a atteint des niveaux colossaux : plus de 1.600 milliards d’euros (12,8% du PIB de l’UE) ont été utilisés pour recapitaliser les banques européennes, couvrir leurs pertes et accorder les garanties nécessaires à leur survie (1). Ces montants ont été financés par des emprunts: les états se sont endettés sur les marchés financiers, c’est-à-dire qu’ils ont été chercher l’argent là où il était, auprès des personnes fortunées, des institutions financières à leur service et également des fonds d’investissement, des fonds de pension et des sociétés d’assurance. Dans la mesure où il est pour l’instant admis qu’elle doit être remboursée, cette dette des états coûte très cher : en Belgique, c’est l’équivalent de 20% du budget de l’état qui est mis au service du remboursement de la dette – près de 5% pour les seuls intérêts (2). C’est parce que les états ont choisi de faire payer cette dette à l’ensemble de la population que des politiques d’austérité drastiques ont été mises en place à partir de 2011. Les plans de restructuration dans les grandes entreprises, les faillites de petites entreprises et l’augmentation consécutive du chômage avaient déjà conduit à des pertes de revenus pour les ménages, et donc à une plus grande dépendance aux services publics et aux prestations sociales. Le fait que les politiques d’austérité remettent en cause l’accessibilité et la gratuité de ces mêmes services ne fait donc qu’empirer la situation des ménages qui étaient déjà en situation de précarité.

On constate par ailleurs une accélération du creusement des inégalités consécutives à la crise, autrement dit, l’appauvrissement des plus pauvres va de paire avec un enrichissement des plus riches. C’est que ce ne sont pas seulement les banques qui ont été sauvées à l’automne 2008 – c’est tout le système financier et ceux qui s’en abreuvent.

Sauver les banques, c’était certes éviter que les petit.e.s épargnant.e.s perdent leurs économies, et éviter que les échanges soient complètement bloqués par un arrêt des moyens de paiement (distributeurs, virements, cartes…). Mais les sauver de manière indifférenciée et sans condition, c’était surtout permettre que la minorité qui profite des marchés financiers préserve son capital. Cela signifie que quand on cherche à tout prix à éviter un effondrement financier, ce sont avant tout les capitaux de ces quelques % de la population que l’on sauve.

Voir les quelques pistes proposées dans l’article « Prochaine crise financière: faire dérailler le scénario du désastre » pour se donner les moyens d’éviter la répétition des mêmes erreurs.

Notons également qu’avec les sauvetages bancaires et l’augmentation de la dette des états, non seulement les dépenses publiques ont été mises sous pression, mais les privatisations ont repris de plus belle. Entreprises publiques, terrains publics, santé publique… : les avancées sont plus au moins brutales que l’on se trouve en Grèce ou en Belgique, mais elles sont là. Lorsqu’un État vend des biens publics (par exemple des terrains), met un service public en gestion privée (par exemple la gestion des transports publics) ou favorise des prestations privées en complément voire en remplacement d’un service public (par exemple l’assurance privée plutôt que la sécurité sociale), non seulement il dépossède la population d’un bien commun, mais il créé une opportunité d’investissement et d’extraction de rente pour des investisseurs privés. Il contribue ainsi à créer les conditions d’accroissement des inégalités.

Afin d’être parfaitement claire sur ce qui est entendu ici: l’extraction de rente que permet la possession de titres cotés en bourse (notamment par l’intérêt ou par les dividendes) se fait au détriment des salaires perçus par les travailleurs et travailleuses (cf les cas emblématiques de licenciements boursiers comme Catterpillar ou Proximus) et au détriment des budgets publics (cf les réductions de dépenses sociales et d’investissement public pour permettre le paiement de la dette, soit près de 20% des budgets publics belges annuels).

Les marchés financiers (dont la bourse est l’un des lieux d’échange) permettent donc un double mouvement d’enrichissement d’une minorité d’un côté, et d’appauvrissement d’une majorité, de l’autre.

Ce texte est tiré d’une analyse réalisée pour l’association Inter-Environnement Bruxelles en Décembre 2019.


Notes

(1) Source: «Aides d’État: le tableau de bord confirme la tendance à la diminution et à un meilleur ciblage des aides non liées à la crise», Communiqué de presse de la Commission européenne, IP/12/1444, 21 décembre 2012

(2) Pour plus d’infos voir le site de l’audit citoyen de la dette, ACIDE: http://www.auditcitoyen.be/lacide/